Réseau informatique dans un collège : deux approches
Mutualiser ou scinder l’infrastructure : quel choix pour un avenir numérique durable dans les collèges vaudois ?
L’éducation numérique
Depuis 2001, les collèges communaux de l’enseignement obligatoire en Suisse, et particulièrement dans le canton de Vaud, ont vécu une transformation numérique sans précédent. Ce qui a débuté avec un partenariat public-privé ambitieux, comme L’école sur le net avec Swisscom, a permis de connecter des milliers d’écoles à Internet et de poser les bases d’infrastructures modernes.

Alors que les besoins numériques continuent d’exploser — tablettes pour les élèves, écrans d’information, systèmes de gestion technique des bâtiments (GTB), téléphonie, caméras de surveillance —, les communes vaudoises se trouvent à un carrefour stratégique : vaut-il mieux mutualiser l’infrastructure réseau afin de répondre à tous les usages, ou plutôt les scinder pour répondre séparément à chaque besoin spécifique ?
Computis, une entreprise fondée en 2011 dont les ingénieurs et techniciens ont en moyenne 25 ans d’expérience dans le domaine des réseaux, retrace 25 ans d’évolution, analyse les options actuelles (EMPD 2020 et EMPD 2023), et invite les décideurs communaux à réfléchir à une question fondamentale : comment garantir un avenir numérique durable tout en conservant une maîtrise globale de leurs infrastructures ?

Une infrastructure documentée
Avant d’explorer les options techniques et financières, posons une question essentielle : est-il important d’avoir une vue d’ensemble sur ce qui se passe dans vos bâtiments, y compris scolaires ?
Par analogie, disposez-vous, dans vos archives, de plans de vos réseaux d’eau, de vos réseaux électriques, ou encore de plans d’architecte de vos bâtiments communaux ? En est-il de même pour votre réseau informatique : avez-vous un schéma réseau à jour, qui documente précisément le câblage, les équipements, les authentifications et les usages ?
Chez Computis, nous pensons que la maîtrise globale d’un bâtiment commence par une documentation rigoureuse, mise à jour à chaque changement, consultée souvent.
En optant pour une mutualisation, la commune peut mandater un ingénieur réseau spécialiste pour concevoir, encadrer et documenter un réseau unifié, intégrant à la fois les éléments actifs (comme les commutateurs) et passifs (comme le câblage). C’est une décision qui garantit une maîtrise globale et une gestion harmonisée à long terme.
Des premières connexions à une infrastructure moderne
2001–2012 : les fondations d’un partenariat public-privé
En 2001, le programme L’école sur le net (PPP-ésn), soutenu par la Confédération, les cantons et Swisscom ambitionnait d’équiper 4000 écoles suisses des technologies de l’information et de la communication (TIC). Ce partenariat a défini les responsabilités financières : Swisscom offrait les modems et l’abonnement Internet (en rouge dans les schémas actuels), les communes finançaient l’infrastructure au sein du bâtiment (en bleu), et le canton gérait le parc informatique scolaire (en vert).
Dès 2006, le schéma directeur École et informatique du canton de Vaud précisait bien que les coûts d’équipement des bâtiments communaux restaient à la charge des communes.
En 2012, des projets pilotes WiFi, comme ceux de Chavannes-La Planta, Genolier et Le Mont-sur-Lausanne, ont démontré la faisabilité d’une couverture sans fil à grande échelle.
Par exemple, un grand collège secondaire a nécessité un investissement total de CHF 116'000, incluant 83 antennes WiFi et 5 commutateurs, CHF 39'000 pour le câblage complémentaire, et CHF 17'000 pour les prestations techniques. Ces projets, menés en collaboration avec la DGEO (Direction générale de l’enseignement obligatoire), ont marqué une étape clé dans la numérisation des collèges.
Notons que, si les coûts des commutateurs et des antennes WiFi ont fortement baissé depuis 2012, ce n’est pas le cas du câblage. Le coût moyen par segment Ethernet était d’environ CHF 500 à CHF 600 (les CHF 39'000 mentionnés ci-dessus avaient permis de tirer 67 câbles).
En 2018, l’initiative Carrard a été déposée pour clarifier les rôles entre canton et communes en matière de planification et d’équipement scolaire, jetant les bases d’une collaboration plus structurée.
2016–2020 : vers une mutualisation harmonieuse
En 2016, la cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) affirmait dans Le Temps que "nos bâtiments sont équipés du WiFi depuis longtemps", une déclaration quelque peu prématurée. Elle soulignait néanmoins un défi majeur : le coût élevé du renouvellement des équipements informatiques.
En 2020, un premier EMPD cantonal a introduit une subvention pour soulager les communes : CHF 375 par antenne WiFi tous les 8 ans, soit un budget total de 3,5 millions pour couvrir environ 9000 classes.

Cette subvention permet aux communes de conserver la maîtrise de leur infrastructure tout en mutualisant les ressources pour les usages communaux et cantonaux. Cette approche incarne l’esprit du partenariat : un réseau à la fois communal et cantonal, sobre et évolutif.
2023 : une alternative cantonale et ses implications
En 2023, un second EMPD a proposé une alternative : la cession complète des réseaux physiques au canton pour un usage exclusif EDU-VD, en échange de l’installation d’équipements réseau par le canton.
Cette option peut sembler attractive à première vue. Cependant, elle implique que les communes cèdent leur infrastructure, soit l’usage du câblage existant, l’espace dans les racks, l’électricité pour alimenter le tout, et le spectre radio. Il ne s’agit pas juste d’une borne WiFi montée au mur, c’est tout le réseau physique qui est remis à l’usage exclusif du Canton.
L’ayant cédé, elles devront financer en sus leurs propres besoins (par d’autres câbles, commutateurs, bornes WiFi). Chaque réaffectation implique qu’il faudra choisir (communal ou cantonal ?), car on ne peut plus faire les deux en même temps. Cette séparation physique des réseaux, justifiée par des questions de sécurité (rappelons qu’il s’agit ici du sous-réseau pédagogique, pour les salles de classe, et non du réseau administratif couvrant les bureaux de direction), soulève des questions sur ses implications à long terme.
Les enjeux actuels : mutualisation ou séparation ?
La mutualisation (EMPD 2020) : une solution sobre et optimisée
La subvention apportée par l’EMPD 2020 offre une approche équilibrée. En couvrant jusqu’à 60 % des coûts globaux, voire 100 % des antennes WiFi, elle permet aux communes de rester propriétaires de leur infrastructure tout en réduisant les dépenses, notamment énergétiques. Le réseau devient à la fois communal et cantonal grâce à l’utilisation de VLANs (réseaux locaux virtuels), qui segmentent le trafic tout en partageant les mêmes équipements physiques.
Par exemple, une commune vaudoise a équipé un site scolaire de 80 classes pour CHF 18'000, contre CHF 48'000 sans subvention, tout en répondant simultanément aux besoins pédagogiques (EDU-VD), aux activités parascolaires (UAPE, écoles de musique), et aux usages communaux (locations de salles, téléphonie).
Cette approche garantit une sobriété optimale : un seul réseau pour tous les usages, minimisant la consommation énergétique et simplifiant la gestion. Elle offre également une évolutivité facilitée : toute modification, ne nécessite en général qu’une reconfiguration des VLANs, sans travaux supplémentaires.
Et surtout, nous le disions en préambule, elle permet à la commune de conserver une vue d’ensemble et une documentation centralisée, essentielle pour une gestion à long terme.
La reprise par le canton (EMPD 2023) : bien calculer son coût
L’option proposée par l’EMPD 2023, bien que séduisante par son absence de coût initial pour le sous-réseau EDU-VD, mérite une réflexion approfondie. Comme le souligne Jean-Marc Jancovici dans une conférence sur les infrastructures, "la nuisance, c’est au moment où on s’en sert".
Les coûts initiaux (bornes WiFi, commutateurs, câblage) ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ce sont les coûts à long terme — alimentation, gestion quotidienne, maintenance, évolutivité — qui génèreront des complexités et des dépenses imprévues. Une antenne WiFi, alimentée par le switch, en 8 ans, consommera 500 francs d’électricité, que la commune devra bien payer, sans le moindre service en échange.
Il est facile de calculer que cet EMPD coûte, sur 8 ans, près de 3 millions de francs d’électricité aux communes qui le choisiront.
De plus, sans une documentation centralisée, la commune perd toute visibilité sur son réseau. L’évolutivité devient un défi : chaque changement d’usage oblige à choisir entre besoins communaux et cantonaux, ou à couvrir des locaux en double, ce qui peut compliquer la coordination à long terme.
Questions clés pour guider la réflexion
Face à ces deux options, les communes doivent se poser des questions essentielles pour orienter leur choix :
Quelles priorités à long terme ? Voulez-vous minimiser les coûts initiaux, ou investir dans une infrastructure pérenne et centralisée ?
La visibilité est-elle importante pour vous ? Souhaitez-vous une documentation à jour de votre réseau, comme pour vos autres infrastructures communales ?
Quels retours d’expérience ? Les communes ayant opté pour la mutualisation ou la séparation sont-elles satisfaites de leur choix ?
Comment anticiper les besoins futurs Une infrastructure fragmentée permettra-t-elle de répondre aux usages imprévus sans coûts supplémentaires ?
Qui assume la responsabilité globale ? Une séparation des réseaux ne risque-t-elle pas de compliquer la coordination entre canton et commune ?
Sécurité et analogie : clarifier les enjeux
LAN virtuel, ou VLAN : une solution sécurisée
Les équipements modernes garantissent une segmentation robuste des VLANs, rendant la mutualisation non seulement viable, mais aussi parfaitement sûre. Par exemple, une école vaudoise ayant adopté la mutualisation n’a signalé aucun incident de sécurité en 5 ans, grâce à une configuration réseau adéquate.
Une analogie pour mieux comprendre: la route et le trafic
Pour illustrer la différence entre mutualisation et séparation, imaginons une route et son trafic. Le réseau informatique (câbles, commutateurs, antennes WiFi) est analogue au réseau routier, tandis que les sous-réseaux (EDU-VD, usages communaux, GTB) sont les types de trafic qui l’empruntent — trottinettes, voitures, camions.
Construire deux routes parallèles uniquement pour séparer les types de trafic serait coûteux et inefficace. En revanche, une seule route, bien aménagée avec des voies réservées (les VLANs), peut accueillir tous les usagers en harmonie.
Les chiffres parlent : un investissement stratégique
En 2023, le Grand Conseil vaudois a débloqué 48 millions de francs pour l’éducation numérique, dont 12 millions pour les équipements et infrastructures (tablettes, WiFi, etc.). Cet investissement montre l’engagement du canton envers la modernisation des collèges. Mais le choix entre mutualisation et séparation a un impact direct sur les finances communales à long terme.
Avec l’EMPD 2020, une commune peut équiper un site scolaire de 80 classes pour environ CHF 18'000, contre CHF 48'000 sans subvention, grâce à la prise en charge du coût des antennes WiFi. À l’inverse, certains clients ayant choisi la séparation ont vu leurs coûts énergétiques doubler, voire tripler, en raison de la multiplication des équipements.
Un exemple frappant illustre l’importance d’examiner toutes les options : en novembre 2021, la Municipalité d’Yverdon a demandé plus de 2 millions de francs pour 294 écrans ANF, mais a présenté uniquement l’option où le canton finance le réseau, sans mentionner la subvention EMPD 2020. Qu’aurait décidé le Conseil communal si les deux alternatives avaient été soumises à discussion ?
Mutualiser pour un avenir numérique durable
Après 25 ans de partenariats et d’évolutions, une leçon se dégage : la mutualisation des infrastructures réseau est la voie la plus durable pour les collèges communaux vaudois. Elle permet de rationaliser les coûts, d’optimiser les ressources, et surtout de garantir une visibilité et une maîtrise globale, essentielles pour une gestion à long terme. L’EMPD 2020 incarne cette vision, en offrant un équilibre entre autonomie communale et soutien cantonal. L’EMPD 2023, bien que séduisante par son faible coût initial, entraîne des complexités et des coûts à long terme qui méritent une réflexion approfondie.
Si la mutualisation de l’infrastructure informatique de vos bâtiments vous tient à cœur, Computis, fondée en 2011 mais forte de 25 ans d’expérience de chacun de ses ingénieurs et techniciens, est à vos côtés pour vous accompagner dans cette démarche.
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Références et sources
16 mars 2001 – Communiqué de la Confédération sur le programme "L’école sur le net"
Janvier 2006 – Schéma directeur "École et informatique" du canton de Vaud
3 avril 2009 – Moratoire sur les tableaux blancs interactifs (Décision 118)
Août 2012 – Préavis 24/2012 de Chavannes pour le projet pilote WiFi
Décembre 2018 – Initiative Carrard sur les constructions scolaires
Novembre 2019 – EMPD 2020 : Subvention cantonale pour les dispositifs numériques
Avril 2020 – Règlement sur les constructions scolaires (RCSPS) et fiches-types des locaux
19 mai 2020 – Accord sur les constructions scolaires entre le canton et les communes
Janvier 2021 – Lettre d’information sur l’affichage numérique frontal (ANF)
22 juin 2021 – Décision 184 abrogeant le moratoire sur les TBI
Novembre 2022 – EMPD 2023 : Budget pour 6000 antennes WiFi, 1170 switches et 7000 Apple TVs
Janvier 2023 – Rapport de la COFOR sur l’éducation numérique